La Guinée a voté dimanche pour élire son président, dans un scrutin largement perçu comme une formalité en faveur de Mamady Doumbouya, arrivé au pouvoir par un coup d’État en 2021. Cette élection marque une étape clé de la transition politique, dans un climat de participation modérée, de débat politique restreint et de forts enjeux autour des ressources minières du pays.
Les Guinéens se sont rendus aux urnes dimanche pour une élection présidentielle censée clore la transition militaire et ramener le pays à un régime civil. Le scrutin devrait accorder à Mamady Doumbouya, ancien chef des forces spéciales, un mandat de sept ans, selon des observateurs et plusieurs témoignages recueillis sur place.

Huit autres candidats étaient en lice, dans une compétition fragmentée et sans adversaire de poids. L’ancien président Alpha Condé et le principal opposant historique Cellou Dalein Diallo vivent toujours en exil. Dans la capitale Conakry, les bureaux de vote ont fermé à 18 heures comme prévu, sans incidents majeurs signalés. Le dépouillement a débuté dans la foulée, selon des journalistes présents sur le terrain.
La participation est apparue timide dans plusieurs quartiers de Conakry, certains électeurs évoquant une élection jouée d’avance. « Le plus important, c’est que le pays revienne à la normale. J’ai voté pour celui qui est en place et qui assure la continuité de l’État », a confié Moussa Kaba, commerçant.
Mamady Doumbouya est arrivé à son bureau de vote vêtu d’une tenue blanche, lunettes de soleil sur le visage, accompagné de son épouse et entouré de nombreux commandos armés. Il a salué la foule avant de voter dans un centre de santé de la capitale. Les résultats provisoires sont attendus dans un délai de deux à trois jours.

La Guinée, riche en bauxite et en minerai de fer, occupe une place stratégique sur le marché mondial des matières premières. Le pays détient les plus grandes réserves de bauxite au monde et abrite le gigantesque gisement de fer de Simandou, officiellement lancé le mois dernier après des années de retard. Le chef de la transition revendique un rôle central dans l’avancement de ce projet, présenté comme un moteur de développement économique.
Dans le même temps, le gouvernement a retiré cette année la licence de la filiale locale d’Emirates Global Aluminium, dans un différend lié à une raffinerie, transférant les actifs à une entreprise publique. Cette orientation vers un contrôle accru des ressources naturelles, également observée au Mali, au Burkina Faso et au Niger, a renforcé la popularité de Doumbouya, notamment auprès d’une jeunesse nombreuse dans un pays où l’âge médian est d’environ 19 ans.
« Pour nous, les jeunes, Doumbouya représente l’occasion de tourner la page de l’ancienne classe politique », explique Mohamed Kaba, mécanicien à Conakry, tout en reconnaissant que la corruption reste un problème majeur.
Des analystes estiment toutefois que cette élection pourrait renforcer durablement l’emprise du pouvoir militaire. Selon Benedict Manzin, analyste Afrique et Moyen-Orient, Doumbouya devrait utiliser son mandat pour consolider son autorité et celle de ses alliés, notamment en vue des retombées économiques attendues du projet Simandou.
La charte de transition adoptée après le coup d’État interdisait initialement aux membres de la junte de se présenter à une élection. Mais une nouvelle Constitution, approuvée par référendum en septembre avec un taux de participation officiel de 92 %, a levé cette restriction, allongé la durée du mandat présidentiel à sept ans et créé un Sénat, des chiffres contestés par l’opposition.
Plusieurs voix critiques dénoncent un climat politique verrouillé. Des organisations de la société civile accusent le pouvoir de restreindre les manifestations, la liberté de la presse et les activités de l’opposition. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a évoqué une campagne marquée par des intimidations et des atteintes aux libertés fondamentales. Le gouvernement n’a pas réagi à ces accusations.

Durant la campagne, Mamady Doumbouya est resté discret, laissant ses partisans occuper le terrain. Lors du meeting de clôture à Conakry, il n’a pas pris la parole, se contentant de danser aux côtés de son épouse pendant la prestation de la star congolaise Koffi Olomidé, sous les couleurs de son mouvement « Génération pour la modernité et le développement ».
Par silabosoona.com










